Audition
Audition pour une pièce qui se jouera deux fois en janvier. Requiert des comédiens polyvalents.
Le lieu : une cave, dans la maison d'une amie des metteurs en scène. C'est très joli, il y a des lumières rouges, mais il fait froid.
Les participants : six comédiennes, cinq comédiens.
Obstacles : un gros chien, un chat, une petite fille.
Au nom de la convivialité, chacun passe devant tout le monde, tous ses petits concurrents donc. Les ricanements fusent à la moindre erreur.
Mais le péril le plus grand pour la concentration des comédiens est le chien, qui a une certaine propension à venir lécher la figure des gens sur la "scène" quand ils ont l'air triste. Parce que le chien a un coeur d'or. Quand il a fait son manège trois ou quatre fois, les metteurs en scènes, ses propriétaires, lui disent : "Ben alors ? on va devoir finir par t'enfermer en haut !" d'un air bonhomme. Bien sûr qu'ils ne le font pas.
Bon, d'accord, un chien, on s'y habitue. Pour passer une scène, une comédienne prend une chaise recouverte d'un châle à franges. Au milieu du dialogue, le châle bouge. Le chat de la propriétaire de la maison joue avec les franges. Et il ne bougera pas. C'est un chat. On ne lui donne pas d'ordres.
Certes, un chat, ça ne fait pas beaucoup de bruit. Mais il est plus de quatre heures et demie : au beau milieu d'un dialogue (évidemment), une petite fille traverse la pièce en courant et en riant. Elle est blonde avec des cheveux bouclés, elle a des yeux bleus, la voix cristalline et une mignonne petite robe mauve. Ca n'empêche, elle fait chier. Mais, comme pour les animaux, personne n'ose rien dire, avec raison d'aileurs. On se ferait mal voir.
Les metteurs en scène penseraient qu'on a mauvais caractère, pas l'esprit de troupe, tout ça, quoi.
Après tout, de quoi on se plaint ? tout le monde sait qu'un entretien collectif pour un boulot, c'est plus stressant qu'un entretien individuel, mais une audition pour des comédiens, tout le monde s'en fout. Les comédiens n'ont pas besoin de concentration, n'est-ce pas ?