Le bonnet de grand-maman

Publié le par Lola Litha

         Il y a quelques années, nous vidions la maison de grand-maman. Grand-père était déjà mort. Elle venait de le suivre. Après avoir pris des tas de livres, des vieux "Larousse théâtre" à la couverture violette et blanche et d’autres poches, j’ai vu un bonnet à une patère. Il était en laine verte, un peu chinée beige et blanc, je l'ai pris, il m'allait (ces choses-là sont extensibles de toute façon). Il était fait main : ma grand-mère savait tricoter, elle m'avait même fait une couverture quand j’étais petite, des carrés roses et jaunes, tout au point mousse.

         J’étais contente d’avoir ce souvenir d’elle, de pouvoir le porter tout l’hiver, de posséder une pièce rare et unique. À l’époque, je ne savais pas du tout comment elle avait pu faire, et les deux points (côtes et jersey), l'arrondi du bonnet me semblaient être la preuve d’une haute technicité. C’était un savoir ancien qui appartenait à ma grand-maman.

         Et puis, ce qui devait arriver arriva, j’ai perdu le bonnet. Il ne me restait plus de souvenir matériel de ma grand-mère, juste ceux-ci : une femme douée pour les mathématiques, qui aurait probablement fait une bonne scientifique si, à l’époque, on avait autorisé les femmes à avoir une carrière, une femme qui était obligée de tenir les rênes de la ferme et de commander aux travailleurs agricoles en même temps qu'à ses trois enfants, puisque son mari n'aimait pas l'autorité et préférait les grandes discussions. Ses deux filles se sont toujours plaintes de sa froideur et la seule fois qu’elles ont vu un geste d’affection entre elle et leur père, c’était sur le lit de mort de celui-ci, à plus de quatre-vingts ans. Elle l’avait embrassé sur la bouche.

                                      *        *        *

         Un jour, sous le coup d’une impulsion, parce que je ne trouvais pas un vêtement dont j’avais envie, et parce qu'il y avait un rayon laine dans mon supermarché, je me suis mise à tricoter. J'ai découvert des forums, des cours gratuits, des livres, des modèles pas tristes, etc. et j'ai continué, contente de pouvoir faire quelque chose de mes mains et de continuer à apprendre des techniques différentes.

         Et ce soir, je fais des torsades sur un échantillon, pour tricoter deux bonnets, d’après mes calculs, et je pense à ma grand-mère.    

PS : à venir, dans cette catégorie, des photos de mes tricots et autres sujets tricotinesques, en anglais et en français, eh oui ! ce blog va devenir mixte.


  

Publié dans Le fil intrépide

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M
Génial, parfait, je suis aussi tricoteuse à mes heures perdues et ça va m'intéresser, je le sens...<br /> Mais surtout : moi aussi, ce savoir-faire me vient de ma grand-mère. Sauf qu'elle me le transmet de son vivant parce que je n'ai pas voulu la laisser partir sans pouvoir conserver cela d'elle.
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A
Well, I am not sure to be able to read you in english, ok ? Mais bon, pour le tricot et les sujets liés et tout ce qui te passera par la tête, why not ?
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