Les trous noirs et les fées

Publié le par Lola Litha

Il y a quelques mois, je faisais des animations de goûters pour enfants, afin de récolter des cachets. Naïve, je me sentais professionnelle, entrée dans la carrière, puisque de nombreux comédiens ont recours à cette solution pour devenir ou rester intermittents. Et puis... j’ai trouvé mieux, comme solution.

Le mercredi, le samedi et le dimanche, je me rendais donc chez des gens pour me déguiser en fée, en clown ou même en Père Noël (très peu crédible, sauf pour les enfants de moins de 3 ans). Oui, parfois, c’étaient des gosses de riches très mal élevés, insupportables pendant les trois petites heures de la fête, pendant que leurs parents me traitaient comme si j'avais été aussi transparente qu'une domestique. D’autres payaient pour avoir la paix une après-midi (parents de famille nombreuse), d'autres m'ont offert le champagne...

Au départ, j’avais plus de sympathie pour les enfants dits « emmerdants », ceux qui posaient cent mille questions sur le pourquoi du comment, comment la fée est arrivée par les airs ou par la fontaine magique, où est donc sa planète d’origine et pourquoi un sortilège marche. Je trouvais que c'était un signe de curiosité, d'intelligence et d'indépendance, assorti d'une saine résistance aux bobards des adultes. Par la suite, j’ai compris que ces questions recelaient un rejet de l’autorité des grands, et que, quand on est l'animateur, on doit dominer les moutards (oui, ma fée venait d’une fontaine magique, elle s'y rendait par un chemin secret, plongeait et se retrouvait dans son pays magique, c'est comme ça).

Je me souviens d’une petite fille qui avait deux amoureux. Elle les avait tous les deux invités à son anniversaire, et on a craint une scène dans le genre de Dallas, mais tout s’est bien passé. En revanche, elle a refusé de jouer avec le seul petit garçon qui était juste son ami. Celui-ci a bien fait rire les adultes pendant le spectacle de marionnettes en refusant d'aider le gendarme et en disant au voleur : "Maintenant je veux que tu voles de l’argent. » (On ne volait que des gâteaux, dans mes mini-spectacles). Avant, j'avais fait mes tours de magie et je leur avais présenté la quêteuse gloup, une poche à triple fond assez fragile - pour empêcher les enfants d'y plonger les mains brutalement, je leur disais que la quêteuse avalait tout ce qu’on lui donnait et qu’elle l’envoyait dans l’espace, dans des trous noirs et des vortex, et que nul ne savait ce qui arrivait aux disparus. Le petit garçon s'est mis en demeure de mettre la main dans la quêteuse, sans succès.

- Quoi, tu veux disparaître, aller dans l’espace, dans des galaxies inconnues, et ne jamais revenir ?

- Oh oui !!!

Quand j’ai arrêté, j’ai annoncé à mon chéri, pour son plus grand bonheur, que je n’étais pas encore prête pour la reproduction. Mais un petit garçon comme celui-là, vif et rêveur, en y repensant, j'aurais aimé pouvoir lui offrir son beau voyage. Avec un billet de retour, bien sûr.

 

Publié dans Bavardages

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F
Ouais, ai connu ça... C'était ces escrocs de jours de fête?
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L
Non... encore d'autres escrocs qui sous-payaient les comédiens comme les étudiants.
M
Donc, tu es à la fois une blogueuse talentueuse et une créatrice de spectacles pas bébêtes pour enfants ?...<br /> Ben dis-moi, j'ai bien fait de venir par ici, moi...
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L
Merci ;)